Vie en Grèce

Vie en Grèce

07/12/2014 : La grande vadrouille

Loukoum et gros.jpg

Laurel et Hardi, les deux marionnettes de la troïka qui dirigent la Grèce, n'arrêtent pas de crier sur les toits que la Grèce est sortie de l'ornière et que le Mémorandum prend fin le 31/12/2014 et ne sera pas reconduit grâce à l'efficacité de la politique qu'ils ont conduit jusqu'à maintenant.

Ils en profitent pour louer les sacrifices qu'ont consenti (?) les grecs, sacrifices que ni eux ni la classe politique en général n'a partagé.

Mais leurs maîtres ne l'entendent pas de cette oreille. Ils disent que ce n'est pas fini, qu'il faut une politique de consolidation qui réclame encore quelques sacrifices.

Mais, comme nous sommes en période préélectorale latente, il leur est difficile d'en convenir. Aussi, les serpillères se sont révoltées (c'est un bien grand mot) et les rapports entre troïka et gouvernements se sont tendues : on ne peut pas s'adresser à l'électorat en leur disant qu'il faut consentir à de nouveaux sacrifices. Aussi, ils se sont exilés à paris pour discuter ou plutôt dépassionner le débat et régler ce qu'ils peuvent accepter face à l'électorat.

La troïka exige des diminutions de salaire, des baisses des pensions, la hausse de la TVA réduite, l'augmentation de la durée du travail pour partir à la retraite, la suppression du droit de grève, pas d'élections législatives anticipées, bref une paille !

De ces discussions, il en ressort que pour faciliter la tâche, un délais de 6 mois sera donné à la Grèce pour prendre ces mesures qui initialement étaient exigibles pour le 31/12. Ainsi ça permettra au gouvernement de passer le cap des présidentielles de février. En temps ordinaire, ces élections devraient être le point de rupture qui provoquerait des élections législatives anticipées et un autre gouvernement.

Cependant, pour rester fidèle à sa politique de mensonge permanent, ils peuvent négocier avec l'opposition un consensus électoral pour les présidentielles (Syriza, la grande énigmatique, semble y être favorable) qui éviterait des élections législatives anticipées et les reporterait à plus tard le temps de faire voter toutes ces mesures conformément au diktat de la troïka. Éventuellement, après, ils ne tiendraient pas leurs engagements.

Dernière déclaration de Vénizélou : il « a réitéré qu'il comprend l'inquiétude dans la société à propos de la possibilité de nouvelles mesures, mais il a affirmé catégoriquement qu'il n'y aura pas de décision de nouvelles mesures d'austérité budgétaire et que les salaires et les pensions ne seront plus touchés. » (journal To Vima du 05/12/2014, version électronique).

Le parlement a voté un certains nombres de lois qui permettent à certains acteurs économiques et sociaux d'échapper aux impôts exceptionnel que l'on rend pour eux optionnels.

 

Question d'actualité : Où en est la Grèce ?

Si vous voulez être rassurés, lisez la presse ordinaire. La Grèce va mieux !

Si vous êtes un peu masochiste, lisez non pas la presse révolutionnaire mais tout simplement les analyses de l'office grec de statistiques (ELSTAT), l'équivalent de notre INSEE que l'on ne peut pas qualifier de gauchiste.

En voici des extraits :

5,1% de la population totale disent être pleinement satisfaits de leur vie et seulement 5% des employés entièrement satisfait de leur travail.
1,4% de la population déclare être pleinement satisfait de la situation économique.
Globalement, 29% du monde urbain déclare sentir en sécurité contre 40,3%dans les zones rurales.

8,6% de la population est pleinement satisfait de ses conditions de logement

8,6% de la population pleinement satisfaits de leurs aires de loisirs et de verdure

8,3% de leur cadre de vie.
Le "coût du logement" est le plus lourd pour 30% des familles, mais surtout pour les 93% de la population pauvre. Une personne sur trois déclare être obligé de résider dans des maisons avec l'espace limité . Un sur deux a du mal à répondre aux dépenses extraordinaires, tandis que 20% est le pourcentage de personnes qui n'ont pas les produits de base, tels que un repas avec de la viande ou du poulet.

Augmentation de ceux qui sont incapables d'avoir un chauffage adéquat et payer à temps et les factures d'eau.

60% « bidouillent » et font à peine face avec leur rémunération mensuelle.

Plus d'un Grec sur trois (35,7%) se trouve près du seuil de pauvreté et de l'exclusion sociale, alors que 23% vivent avec de faibles revenus même après l'octroi des allocations sociales.

Selon Eurostat, les personnes vivant près du seuil de pauvreté sont les personnes qui vivent dans des foyers dont le revenu disponible est inférieur à 60% du revenu national disponible moyen (après l'octroi des allocations sociales) ou qui sont dans l'incapacité de couvrir des besoins importants.

45% de la population totale n'a pas du tout confiance au système politique, 19,2% n'ont pas confiance du tout en la justice et 12,5% n'ont pas confiance du tout en la police.
Seulement 0,6% de la population totale a pleine confiance dans le système politique.
A noter qu'une étude sur les gouvernements les plus détestés du monde place le grec en troisième position après la Bosnie-Herzégovine et la Bulgarie.

On peut raisonnablement penser que 10% de la population vit correctement et que les institutions sont un repoussoir.

 

J'ai cependant quand même du mal à comprendre comment les dernières élections et les sondages peuvent encore placer la Nouvelle Démocratie en seconde position.

 

Deux remarques :

Le poumon de la Grèce, le périptéro, kiosque où l'on vent de tout, quasiment ouvert jour et nuit, que l'on trouve à quasiment tous les coins de rue où tous les grecs se servent est en voie de disparition. On voit plus de kiosques fermés que de kiosques ouverts !

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Quand son poumon meurt, le pays meurt.

 

Une vue de la gare de Thessalonique, deuxième gare de Grèce, on voit l'état de désentretien des voies. Les trains reliant à la capitale sont dignes de pays en voie de développement !

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L'air du temps :

La vie politique apparaît pour les « gens d'en-bas » comme un grand cirque. Le pouvoir en place ne fait que gigoter en attendant son éviction, les sondages hormis les deux premiers orchestrent la valse du suivant, tantôt Potami, tantôt aube Dorée, tantôt KKE, ressuscitent et font disparaître le PASOK.

L'opposition affichée joue à la grande muette et peine à dévoiler ses arguments de vote comme son programme. Quand il en parle il n'est pas crédible. Elle compte renégocier la dette comme si elle aurait en face d'elle des gens compréhensibles et prêts à miser sur elle, obtenir de aides européennes comme s'ils ne se doutaient pas qu'ils sont vomis par ceux à qui ils vont s'adresser, comme s'ils ne savaient pas que toute aide implique des conditions drastiques !

Aussi, à part le « nous sommes prêts à gouverner » de Tsipras et son discours léger de Thessalonique dans lequel il avait la prétention de s'engager, on ne sait pas comment il compte gouverner. Mis à part les grands mots, les contradictions annoncées, la réalisation de tout programme et surtout celui qu'il sous-tend suppose des rentrées financières qui sont impensables. Aucun philantrope ne se pointe à l'horizon.

A part ses partisans, Tsipras est lui aussi la risée de nombre de grecs. Certains l'accusent de n'avoir d'autre ambition que de devenir premier ministre. D'autres disent qu'il soigne son sourire pour charmer et éviter d'avoir à s'engager. D'autres qu'il veut s'inscrire comme le nouveau Papandréou au point qu'il le singerait. Enfin d'autres disent qu'il reste ambigu parce qu'il sait qu'il n'a aucune marge de manœuvre, que l'union européenne cherchera à le saborder et qu'il n'aura plus qu'une solution qui serait d'ailleurs son optique, sortir de l'Euro (plan B). Par contre, il ne peut se permettre de le dire clairement sous peine de ne pas être élu, les grecs ayant majoritairement peur de quitter l'Euro.

Indépendamment des visions des uns et des autres, on peut retenir de tout cela que Tsipras fascine moins que lorsqu'il a été projeté sur l'échiquier politique, entre autre parmi ses premiers soutiens. Il a subit l'usure de la position d'éternel opposant.

Son programme est très ambigu, voire inexistant, sa stratégie en contradiction avec ses paroles (revendiquer le pouvoir « nous sommes prêts à gouverner ») et essayer d'empêcher l'accélération des échéances électorales (accepter un consensus pour l'élection de Président de la République évitant ainsi des législatives immédiates). Les sondages, mais encore une fois peut-on s'y fier, donne un tassement de vote Syriza dans la durée.

Il faut voir aussi ce que devient Syriza. Rappelons que c'était un groupuscule qui de part sa dénomination se veut un rassemblement tactique de différents groupuscules autour d'un (déjà) rassemblement dénommé Synaspismos.

Il est tactique dans la mesure où il faut au moins 3% de voix pour avoir des élus au parlement. Des groupuscules incapables d'atteindre ces 3% se sont associés autour d'un reste du parti communiste de l'intérieur, Synaspismos (qui a une époque avait participé à un gouvernement Nouvelle Démocratie), sous le nom de Coalition de la gauche radicale (Syriza). Il naviguait autours de 4% aux législatives et sondages, s'est approché une fois de 9%. Ça lui a permis d'avoir une expression au parlement sous forme d'opposition systématique comme le Parti communiste KKE.

C'était une organisation qui associait des éléments antinomiques allant de vagues sociaux démocrates à des nihilistes intégraux voire anarchistes en passant par des trotskistes, maoïstes et toute formes de dissidences marxistes idéologiquement ennemies entre elles. Bien entendu la tête du mouvement était un champ de bataille entre les tendances. Régulièrement il y avait des scissions et recompositions. Inconcevable en France !

Brusquement cette organisation dont Alekos Alavanos avait cédé la place à un plus jeune, Alexis Tsipras, comme Krivine à Besancenot (la presse n'a pas manquée à faire le parallélisme), s'est retrouvée en position de former un gouvernement.

Une reconversion à du s'opérer très vite de façon à faire naître un espoir et, réalisme oblige, à changer d'attitude parlementaire et de langage.

En même temps, il fallait créer à partir d'un groupuscule ridicule un parti de masse. Le modèle de référence qui s'est imposé a été celui du PASOK, le PASOK du temps de sa splendeur avec Papandréou André fondateur (l'oncle de celui qui venait de quitter le pouvoir, Georges du même nom). En même temps le PASOK actuel était en pleine décrépitude miné par la corruption.

L'aubaine était trop belle pour les carriéristes du PASOK. Ils ont quitté leur parti pour se positionner dans Syriza qui les a accueilli. La plus part étaient signataires du Mémorandum qui a ruiné la Grèce et ils pensaient se faire une nouvelle jeunesse dans le cadre de la reconquête du pouvoir.

Ainsi le Conseiller Économique de Georges Papandréou qui a signé le mémorandum se retrouve Conseiller Économique de Syriza ! Un ancien ministre banquier de Papandréou qui est parti à la retraite avec un bonus de un million d'Euro est comme un poisson dans l'eau chez Syriza. On dit que Syriza est le nouveau PASOK !

Syriza a même accepté des transfuges de la Nouvelle Démocratie qui, comme les rats, quittent le navire en pleine perdition.

Syriza reste très ambigu sur les listes qu'il aura à constituer, il se dit ouvert dans ce domaine (ça veut dire quoi ?) et flirte avec ANEL, l'équivalent des indépendants et paysans français. Inconcevable en France !

Bien entendu le passage d'une forme à une autre n'est pas évident mais assez surprenant. Ce qui est le plus gênant, c'est justement le fait que Syriza ait accepté en son sein des élément gangrénés dont la pratique quotidienne est le clientélisme et la corruption. Quand on prétend être en rupture avec le système de la corruption, comment peut-on admettre des éléments douteux chez soi ?

Et ça « les gens d'en bas » ne sont pas dupe, ça ne s 'est pas fait dans le plus grand anonymat et l'image de marque de Syriza en prend un coup. Il stagne dans les sondages, voire régresse.

Et l'état d'esprit des grecs ?

Par contre, les grecs n'ont plus rien a perdre, ils peuvent même voter pour le diable, comme ils disent, rien ne pourrait être pire que ce qu'ils ont connu. Alors le diable ça peut être Syriza mais aussi l'Aube Dorée et certains balancent ente l'un et l'autre sans trop savoir vers quel diable se vouer. Un jour c'est l'un un jour c'est l'autre !

Les grecs sont dans une disposition d'esprit très contradictoire. A la fois atteints par un sentiment d'impuissance et revendicatifs.

 

De plus en plus de petites manifestations alors que c'était quasiment le calme avec de plus en plus d'affrontements. Il est vrai que la police n'attend que ça et qu'en face il y en a aussi qui n'attendent que ça. Peut-être même sont-ils de connivence.

Aujourd'hui, 06/12, des affrontements pour l'anniversaire de l'assassinat par la police en 2008 à Athènes d'un jeune de 15 ans, Alexandre Grigoropoulos.

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En même temps, des occupations ont lieu pour soutenir la grève de la faim (depuis le 10/11) d'un jeune détenu, Nicolas Roumanos. Ancien compagnon du précédent, présent lors de sa mort, il a été l'auteur d'un braquage d'une banque et est actuellement détenu après sa condamnation. Il réclame le droit de faire des études universitaires et ça lui est refusé, semble-t-il contrairement aux règlementations en vigueur.

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Le grand cinéma central de Thessalonique est occupé par un comité de soutien à Nicolas Roumanos. Hier samedi, la police les a délogé.

Quelques pas plus haut, une petite manifestation devant le siège de la sécurité sociale réclamant les soins gratuits pour tous.

Ces évènements semblent canaliser les frustrations de la population.

 

Contre exemple.

A Thessalonique depuis deux mois le prix des tickets de bus a doublé en même temps que le nombre de bus (qui sont vieux) en rotation a diminué. Ce qui fait que la plus part du temps les bus sont bondés.

Dans le centre ville, aux heures de pointe les bus moins nombreux arrivent déjà bien remplis. Une foule attend et tous ne peuvent pas monter. Il faut à nouveau attendre le suivant en espérant qu'il s'arrêtera. Les bus remplis ne s'arrêtent plus aux arrêts et ceux qui attendent en ratent plusieurs car la foule s'accumule. Les plus faibles sont les perdants, surtout les vieux.

J'ai constaté que quand un bus bondé dans lequel je suis s'arrête et qu'il y a une foule qui tente de monter et que tous ne peuvent, ceux qui sont à l'intérieur râlent non pas parce qu'il y a un scandale des bus mais parce que ceux qui essayent de monter les retarde et qu'ils n'ont pas à monter, le bus étant plein et qu'ils ne veulent pas être plus serrés. Le scandale ce n'est pas la société de transport mais celui qui veut monter. Et ce sentiment est presqu'unanime !

Ce soir, le parlement commence à examiner le pré-budget 2015 avec des dispositions chargées d'apaiser la Troïka avec qui il n'y a pas eu d'accord. La Troïka jugera si les mesures sont suffisantes. En attendant elle a dans des tractations difficiles données ses directives à un gouvernement de plus en plus réticent.

Des manifestations se déroulent ce soir et il semble qu'elles soient bien suivies. A Thessalonique le centre ville était tout le week-end bouclé et les sinistres commandos Delta hypermobiles y évoluait encadrant les manifestations dans des rues parallèles. La pluie qui est arrivée a du calmer tout le monde.

 

Le 08/12/2014 devrait être scellé un accord entre gouvernement et Troïka. Peut-être sera-t-il reporté au 14/12 ?

 Nous verrons.

 



 



 



 



 



 

 

 

 

 



07/12/2014
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