Vie en Grèce

Vie en Grèce

08/02/2015 : Ouverture du bal des vampires

Dimanche 8 février c'est le début de Carnaval. Il va durer deux semaines.

Aujourd'hui les troupes de différentes provinces sont venues présenter leurs déguisements et ont défilé le long du port.

Les cafés étaient pleins, les gens ont mangé bu et chanté. C'était la fête.

On ne peut pas enlever aux grecs leur amour pour la fête.

C'était d'autant plus la fête que l'horizon sombre annonce une lueur d'espoir.

 

Des gens qui me disent ne pas avoir voté pour Syriza, avoir des réticences à son égard, disent par contre qu'ils sont en adéquation avec Tsipras. Je pense que s'il avait un plébiscite, il aurait plus de voies que ce que son parti en a eu.

Par contre ce qui m'a toujours surpris, c'est qu'avant les législatives les sondages donnaient Samaras comme le plus apte à gouverner la Grèce. Les résultats du 25/01 ont montré le contraire. Ah sondage !

 

Ce soir Tsipras a fait sa déclaration de politique générale devant le nouveau parlement. Ce dernier est en pleine restructuration. Son fonctionnement va être révisé et les indemnités des parlementaires revues à la baisse bien entendu.

La politique engagée à été confirmée et même détaillé. Des dossiers clos vont être réouverts dont celui de la dette allemande. Quel hasard !

La presse ordinaire devrait prendre plaisir à détailler tout ça.

La Grèce a deux fêtes nationale. L'une concerne le « NON » à l'occupation. Aujourd'hui 8 février 2015, Tsipras a lancé un deuxième NON, un non au diktat de la Troïka.

Mercredi 11/02 sera l'occasion d'affuter les armes.

 

Dans mon article précédent je citait une contribution d'un certain Michel. Dans cette dernière il fait référence à un de ses articles. Pour affiner la compréhension je vous joins son article.

Bonne lecture.

 

Où va la Grèce?

Ce 25 janvier, la victoire de Syriza constitue un pas précieux vers une nouvelle période politique pour la Grèce et pour la zone euro. De nombreux choix se posent dès à présent aussi bien pour le nouveau gouvernement que pour la population grecque, mais aussi pour les décideurs européens et les peuples de la zone.

 

  1. Un gouvernement apparemment combatif, qui secoue le joug de la troïka

 

Le gouvernement d’union entre Syriza et l’ANEL, parti souverainiste de droite, apparaît comme un gouvernement déterminé à s’opposer à la troïka (FMI, BCE, Commission européenne). Alexis Tsipras, en s’alliant avec le parti de Panos Kammenos, ministre de la Défense, place en tête de ses préoccupations la question de l’indépendance et donc celle de la négociation sur la dette. Les ministres de l’Économie et du Développement, Yannis Varoufakis et Yorgos Stathakis, sont des professeurs d’économie relativement modérés, mais connaisseurs de l’establishment financier mondial. Tassia Christodoulopoulou, après avoir apporté un soutien actif aux sans-papiers, est chargée de l’immigration et a déjà annoncé la naturalisation des enfants d’étrangers. Panayotis Lafazanis, chef de file de l’aile gauche de Syriza, productiviste, est au ministère de la Relance productive, de l’Énergie et de l’Environnement. Il a déjà décidé la fin de la privatisation du Pirée. Il a avec lui un sous-ministre de l’Environnement membre des Verts, Yannis Tsironis. Nikos Kotzias, ministre des Affaires étrangères incarne une ligne patriote de gauche, compatible avec Kammenos. Il s’est déjà dissocié de la déclaration européenne sur l’Ukraine qui aurait dû requérir l’unanimité. Le ministre de l’Intérieur, Nikos Voutsis, cadre de Syriza, militant expérimenté contre la répression policière, supervise entre autres la démocratisation de la police. (1)

 

Le bras de fer avec l’UE

 

La question de la dette va être posée rapidement. Selon une étude d’Attac publiée en juin 2013, 77 % des fonds débloqués dans les derniers «plans de sauvetage» de la Grèce sont en réalité retournés vers le secteur financier… en remboursement de la dette aux banques qui la détenaient. (2) Ainsi, la Grèce n’a pas profité de cette « aide » et la population en a souffert gravement ! Enfin, le rôle déterminant joué par le gouvernement Merkel dans la gestion néolibérale de la crise remet à l’ordre du jour la dette allemande vis-à-vis de la Grèce représentant environ 160 Mds, suite à l’occupation nazie de la Grèce entre 1941 et 1944. (3)

S’attaquer aux mémorandums et à la dette requiert un audit, prévu d’ailleurs par l’Union européenne. Le point 9 de l’article 7 du règlement adopté en mai 2013 par l’Union européenne prévoit qu’« un Etat membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité » (Règlement UE 472/2013 du 21 mai 2013 « relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des Etats membres de la zone euro »).

 

Un audit citoyen

 

Cet audit aura des conséquences politiques et financières considérables. Il montrera qu’entre 2005 et 2009 les banques ont octroyé massivement des crédits à la Grèce, faisant passer l’ensemble de leurs prêts de 80 Mds à 140 Mds, convaincues d’être couvertes par l’UE. Il mettra en lumière le fait que l’action de la troïka a consisté à faire passer la dette de 113% du PIB en 2009 à 175% en 2014 et à rembourser indûment les banques entre 2010 et 2012. « L’audit analysera la légalité et la légitimité de ce plan de sauvetage » et il devra répondre à de multiples questions.

« La procédure européenne normale de prise de décision a-t-elle été respectée ? Les prêteurs publics en 2010 […] ont-ils respecté le principe d’autonomie de la volonté de l’emprunteur, à savoir la Grèce, ou ont-ils profité de sa détresse face aux attaques spéculatives des marchés financiers pour lui imposer des contrats qui vont à l’encontre de son propre intérêt ? Ces prêteurs ont-ils imposé des conditions léonines, notamment en exigeant des taux de remboursement exagérés ? […] Il s’agit également d’auditer l’action du FMI. […] La BCE a-t-elle outrepassé de manière grave ses prérogatives en exigeant du parlement grec qu’il légifère sur le droit de grève, la santé, le droit d’association, l’éducation et sur la réglementation des niveaux de salaire ? »

Enfin, « les mesures définies dans les programmes d’ajustement auxquels la Grèce a été soumise et les politiques concrètes qui en sont la conséquence directe violent une série de droits fondamentaux tels que le droit à la santé, à l’éducation, au logement, à la sécurité sociale, à un salaire juste mais aussi la liberté d’association et de négociation collective ».

En conséquence, « la commission chargée de l’audit pourra émettre un avis argumenté sur la légalité, l’illégitimité, voire la nullité de la dette contractée par la Grèce auprès de la Troïka ». (4)

Ce gouvernement mettra en place cet audit, mais c’est également la responsabilité des citoyens grecs de s’y investir. Il faut d’ailleurs relever que « dans le règlement de l’UE mentionné plus haut (21 mai 2013), à l’article 8, il est recommandé de faire participer les « partenaires sociaux et les organisations pertinentes de la société civile » à l’élaboration du « programme d’ajustement macroéconomique ».

L’expérience grecque au travers de cet audit devrait ouvrir les yeux aux peuples européens soumis, à un niveau ou à un autre, à la même politique néolibérale austéritaire.

 

  1. Un gouvernement qui marque sa volonté de pallier les misères infligées à la population et de redresser la vie économique et sociale, un peuple qui se relève

 

Le 13 septembre 2014, à Thessalonique, Tsipras s’est engagé tout d’abord à soulager la crise humanitaire qui épuise le pays (le taux de pauvreté est égal à 44% de la population) en fournissant de l’électricité et une aide alimentaire à ceux qui se trouvent sous le seuil de pauvreté, des soins et des médicaments accessibles pour tous et gratuits pour les plus pauvres, la garantie d’un logement, la baisse de la TVA sur le fuel de chauffage, la gratuité des transports pour les plus pauvres, l’augmentation du salaire minimum et des pensions, etc. Afin de relancer l’économie réelle, il a décidé de soulager les petites entreprises et les bas revenus du poids de leur trop lourde imposition, d’augmenter la pression fiscale sur les gros patrimoines, de protéger les particuliers endettés et la création d’une banque pour le développement. Contre la misère que représentent 25% de chômeurs, dont près de 60% parmi les jeunes, il a promis la création de 300 000 emplois à l’aide de dispositifs spécifiques, le rétablissement de la législation du travail et l’amélioration de l’indemnisation du chômage. Enfin, il s’est engagé pour une refonte citoyenne de l’État et des institutions s’appuyant sur une plus grande autonomie locale, sur une démocratie représentative exemplaire contrôlée par des institutions nouvelles de démocratie directe et par une réforme des médias. (5)

 

Les travailleurs grecs en première ligne

 

D’après les premières impressions de blogueurs vivant en Grèce : depuis le 25 janvier la population se détend, souffle. Un symbole : le Parlement grec n’est plus protégé par des barrières !

Une forte attente existe, une mobilisation massive sur des objectifs précis de transformations sociales est nécessaire à la fois pour soutenir la combattivité gouvernementale et pour démocratiser la vie politique. Créer, par exemple, des coopératives de production et de distribution (le gouvernement Samaras avait tenté d’interdire les ventes directes des producteurs aux consommateurs), remettre en marche des entreprises fermées, mettre hors d’état de nuire les groupes fascistes, créer des radios et des télévisions autonomes, participer collectivement aux débats politiques, manifester la solidarité avec les sans-papiers, etc. Depuis quatre ans, d’après la police, plus de 22 000 petites et grandes manifestations ont eu lieu, de multiples grèves générales se sont produites, des forces militantes radicales sont présentes et motivées. L’unité populaire et la ténacité des travailleurs seront déterminantes.

 

  1. Un changement de paradigme en Europe

 

Après avoir crié au chaos devant la montée de Syriza, les institutions européennes semblent maintenant évaluer prudemment le changement qui est en train de s’opérer. Les populations les plus touchées par l’austérité en voie de radicalisation, le risque de déflation dans la zone euro, la menace d’une nouvelle crise financière sans doute incontrôlable donnent de quoi réfléchir aux oligarchies politiques.

Mario Draghi a lancé le 22 janvier (trois jours avant les élections grecques) un assouplissement quantitatif, ou Quantitative easing (QE), d’un montant de 1 140 Mds consistant à racheter des dettes souveraines sur le marché secondaire. En absence de mutualisation économique et budgétaire préalable, Draghi a choisi de ne pas mutualiser les dettes. Il limite à 20% la garantie de la BCE sur les nouveaux achats de titres, le reste (80%) sera supporté par les banques centrales nationales. Il organise ainsi le fractionnement du marché des dettes, qui seront alors en partie « renationalisées ». Anticipe-t-il une possible décomposition de la zone euro à la suite de l’intransigeance de l’Allemagne à l’encontre de la Grèce ?

En effet, l’affrontement pourrait conduire la Grèce à faire défaut sur sa dette et à se trouver de fait « expulsée » de la zone euro, la BCE décidant que les euros émis en Grèce ne peuvent plus circuler dans la zone. Au risque d’une contagion dans d’autres pays. (6)

 

Une solidarité à construire pour une société démocratique

 

Les succès de Syriza et de Podemos donnent des idées et de l’espoir aux militants de la gauche antilibérale et anticapitaliste. Pourtant les difficultés, consécutives à la politique d’accompagnement des syndicats (la crise dans la CGT l’illustre) et à la politique néolibérale du PS au pouvoir, font que les travailleurs sont désabusés et désarmés face au populisme du Front national (le « soutien » du FN à Syriza tentant d’accentuer la confusion).

Selon que Syriza ira à l’affrontement et que le risque d’effondrement de la zone euro se précisera ou qu’il décidera de transiger et qu’il se condamnera lui-même par cette trahison de trop, pour nous et pour le mouvement social, les conséquences seront très différentes. Dans le premier cas, les conditions seront favorables pour définir démocratiquement de nouvelles politiques dans les pays européens là où les travailleurs se lèveront. Dans le second, les groupes fascistes auront un boulevard devant.

 

Connaître l’ennemi pour faire face à la situation

 

La capacité à saisir toutes les opportunités liées à cette période nouvelle doit se nourrir de la compréhension de l’hégémonie de la finance et des moyens qu’elle détient pour garantir sa sécurité et ses profits.

« La finance, c’est l’ennemi des travailleurs ! ». La finance ne produit rien. Ses bénéfices proviennent essentiellement de l’exploitation les travailleurs. Ils proviennent aussi de l’innovation et d’une plus grande productivité, mais cela représente de moins en moins la principale partie de ses profits. « La stabilité financière dépend alors de deux autres ressorts nettement moins reluisants : la dépossession et le parasitisme.

La dépossession prend en particulier la forme des profits politiques associés aux bénéfices que le capital financier tire des interventions publiques. Ces bénéfices sont directs dans le cas des aides au secteur financier, des garanties publiques apportées aux banques et des politiques monétaires non conventionnelles qui viennent soutenir la valeur des titres. » […] D’autre part, « les mesures d'austérité qui dégradent le service public et empiètent sur les droits sociaux visent à garantir la continuité des flux d'intérêts versés par les administrations, tandis que les réformes structurelles ont pour objectif de soutenir la profitabilité des firmes […] en diminuant le prix du travail […]. Pour des millions de personnes, cette dépossession est une catastrophe. Elle ne connaît d'autres limites que celle, politique, de son acceptabilité et ne pourra être mise en échec que par une combativité sociale et une capacité d'initiative des masses populaires qui ont malheureusement été insuffisantes jusqu'à présent.

La logique du parasitisme procède de la persistance d'une norme financière de rentabilité minimale. Elle agit comme un filtre sur les projets productifs en éliminant ceux qui, bien que rentables, ne le sont pas suffisamment. Cette sélection […] n'existe que dans la mesure où certains circuits de valorisation du capital offrent des rendements plus importants. Les formes d'échange inégal entre les vieux pays capitalistes et les économies de la périphérie […] ont contribué à nourrir le capital fictif accumulé sur les marchés financiers des pays du centre, grâce à la diminution du prix des intrants importés ou aux dividendes rapatriés de l'étranger. » […] Ainsi, « les multinationales ont pu tirer profit d'une offre de travail quasi infinie, exercer un pouvoir de marché oligopolistique à l'encontre des firmes du Sud et s'appuyer sur le rôle international du dollar […]. »

« Dans les pays à hauts revenus, le capital fictif a cessé de dynamiser l'accumulation et devient un poids mort qui leste l'ensemble du processus de reproduction sociale. La régulation des projections financières devient chaotique. Elle procède par chocs financiers et macroéconomiques qui appellent de puissantes interventions politiques. » […] « L'hégémonie financière se pare des atours libéraux du marché, mais elle capture la vieille souveraineté étatique pour mieux presser à son profit les corps sociaux. […]. Le capital volait aux peuples leurs espérances, la chape de plomb du capital fictif les prive de ce qu'ils croyaient acquis. » (7)

 

Ainsi, l’hégémonie financière détruit systématiquement, en commençant par les plus faibles, les sociétés et les êtres afin de poursuivre sa marche mortifère guidée par la seule recherche du profit au bénéfique d’une infime minorité. (8)

Ces longues citations du livre de Cédric Durand, Le capital fictif. Comment la finance s'approprie notre avenir, permettent, selon moi, de poser les questions stratégiques que les Grecs, pas plus que nous, ne pourront pas contourner. C’est la cause fondamentale de la solidarité internationale qui, seule, peut offrir un avenir face à la puissance destructrice du capital.

 

Michel Bonnard, 1er février 2015

 

 

 

  1. http://www.okeanews.fr/20150128-portrait-du-nouveau-gouvernement-en-grece

  2. https://france.attac.org/nos-idees/mettre-au-pas-la-finance-les/articles/plans-de-sauvetage-de-la-grece-77-des-fonds-sont-alles-la-finance

  3. http://www.lemonde.fr/europe/article/2012/02/17/l-allemagne-a-t-elle-une-dette-de-guerre-envers-la-grece_1644633_3214.html

  4. http://cadtm.org/Si-un-gouvernement-Syriza

  5. http://syriza-fr.org/2014/12/29/ce-qui-a-ete-dit-a-thessalonique-lengagement-de-syriza-aupres-du-peuple-grec/

  6. http://russeurope.hypotheses.org/3370

  7. http://www.contretemps.eu/lectures/%C3%A0-lire-extrait-capital-fictif-c%C3%A9dric-durand

  8. http://www.oxfamfrance.org/actualites/justice-fiscale/toujours-plus-pour-ceux-qui-ont-deja-tout-jusqua-quand



08/02/2015
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