Vie en Grèce

Vie en Grèce

16/02/2017 : Fin d'un pays

 

 

La Grèce donne l'impression d'un pays vidé de sa population. Nombre de petits commerces ont fermé, de même nombre de petites entreprises. Les grandes surfaces avec galeries marchandes sont vides. Dès le vendredi pour le week-end ça reprend vie, les cafés et les restaurants sont pleins

Par contre lorsqu'il fait beau, tout s’anime et les rues et les cafés se remplissent.

 

Les grecs ont un problème avec la monnaie électronique. On leur demande et même les obligent depuis peu (on leur impose un quota minimum annuel de dépenses numériques). Qu'entend-on par là ?

La majorité des transactions se faisaient en liquide. Le gouvernement promeut l'usage de la carte bancaire et impose dans la déclaration de revenu de justifier d'une somme minimum d’achat en carte bancaire.

Or les grecs ont un rapport physique avec la monnaie. Non seulement les transactions se font en liquide mais elles ne se conçoivent pas autrement, Il n'est pas rare de voir des gens avec des liasses de billets qu'ils manipulent sans précaution aucune comme s'il n'y avait aucun risque à les exposer.

Tout le monde a de l'argent caché chez lui et tout le monde a peur du cambriolage. On se déplace avec ses bijoux de valeur et son argent liquide avec soi.

L'obligation de cartes bancaires détruit ce contact et est mal vécu, non pas que les cartes bancaires ne soient pas utilisées depuis longtemps (le grec ordinaire a 4 ou 5 cartes de crédit gratuites) mais c'est la dématérialisation qui est mal vécue. La monnaie rassure.

Nous mêmes qui avons l'habitude de la carte, ne perdons nous pas le sens de l'argent ?

 

La propagande pernicieuse concernant la bonne santé économique de la Grèce continue ses ravages hors du pays. A l'intérieur personne n'y croit !

Ainsi le Ministre des Télécommunications, Médias et du Numérique, Nikos Pappas, a déclaré que «depuis le début de 2015 jusqu'à maintenant, 240 000 emplois ont été créés, la production industrielle a augmenté de 2,3%, actuellement la moyenne de l'Union européenne est de 0,6%, les exportations du pays ont augmenté de 12%, les investissements de 10% et le tourisme pour la deuxième année consécutive a subit une augmentation correspondant à celle de l'année dernière». Il a aussi loué le taux de croissance et l'excédent budgétaire (hors dette évidemment). Ça rejoint tout ce que les médias étrangers rapportent puisqu'ils se contentent de reproduire les déclarations sans les remettre en cause et l'UE confirme.

 

 

Il n'est donc pas étonnant que Nikos Pappas soit la risée générale dans le pays, d'autant plus qu'il a des projets farfelus comme l'Agence Spatiale Grecque ( Applications National Space Center).

Les grecs se moquent de « Nasa grecque ».

 

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Pour justifier ce projet porté par le gouvernement, Pappas explique « qu'il offre la possibilité d'améliorer considérablement la vie des citoyens grecs dans de nombreuses fonctions, dont l'agriculture de précision. » Et de continuer que ça permettra d' «exploiter au profit des agriculteurs, des données satellites sur les stations terrestres afin de savoir quand et où irriguer, la quantité d'eau à injecter, le besoin d'engrais, comment évoluent les plantations ». Les premières indications de la mise en œuvre de ce programme pilote permettra de « réduire les coûts de production de 30% et ainsi de faire revivre la campagne grecque. » En plus, dit-il, ce programme a l'aval de toute « la communauté scientifique".

Comment ne pas en rire !

D'ailleurs les agriculteurs sont redescendu dans la rue pour perturber à Thessalonique le salon de l'agriculture, Agrotika.

 

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Ils se sont également manifestés plus tard à Athénes devant le parlement, non pour soutenir ce projet mais pour protester contre les taxes actuelles, leurs retraites amputées et les taxes à venir (l'Europe demande une très forte augmentation de celles concernant les boissons nationales comme l'Ouzo et le Tsipouro, c'est comme si on demandait en France la même chose concernant tous les apéritifs).

 

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L'Europe ergote en ce qui concerne le versement des fonds à la Grèce. Elle exige de plus en plus de mesures impossibles à tenir,

Dans ce contexte et au vu des sondages qui donnent la ND largement vainqueur, le gouvernement Syriza tente de se créer une base électorale stable en faisant quelques aménagements dans la faible marge de manœuvre dont il dispose face au créanciers, autant dire qu'il ne peut faire que des broutilles. Par contre il s'en enorgueillit sans vergogne avec un mépris parfois désolant.

Ainsi un ministre à qui on faisait remarquer la dureté des dernières mesures votées a rétorqué que les grecs devaient être heureux parce que, grâce à eux, ils payent moins que s'ils avaient un autre gouvernement que celui de Syriza qui fait tout pour les aider. Rappelons que ce même individu venait de voter la réforme des retraites qui représente une perte de revenus pour tous les retraités actuelle (en tout leurs retraites auront été divisées par 2) et une hécatombe pour les retraites à venir. C'est représentatif du cynisme politique ambiant !

Le cynisme ne s 'arrête pas là. Savez-vous qu'en GB depuis les années de politique tatchérienne dont les hôpitaux anglais n'arrivent pas à se remettre actuellement, la Sécurité Sociale ne prend pas en charge une personne atteinte d'un cancer du poumon si c'est un fumeur. En Grèce, lorsqu'un cancer est détecté, il faut environ quatre mois avant la première chimio qui est généralement à la charge du patient. Nouveauté : le ministère de la santé demande aux oncologues lors du diagnostic du cancer de préciser l’espérance de vie du malade (ce que les médecins refusent). Peut-être pourrait-on éviter ainsi les chimios inutiles ? Horrible non !

D'autant plus que ce gouvernement, aux yeux des grecs, opère une OPA sur les médias, la plus part leur étant maintenant acquis. Le groupe Lambrakis, détendeur des deux premiers tirages de Presse avec To Vima et Ta Néa met la clé sous la porte. Une bonne source d'opposition en moins !

 

Le 15/02 le CETA a été adopté par le parlement européen et il entre immédiatement en vigueur avant même confirmation par les parlements nationaux. Encore un coup d'état de la commission européenne !

La majorité des grecs ignorent l'existence de cet accord qui est sûrement un bon accord car si ce n'était pas le cas il n'aurait pas été voté (c'est ce qu'on m'a dit). Par contre que va devenir l'agriculture grecque qui en ce moment vit mal à cause des grands froids qui ont détruit les récoltes et des sanctions contre la Russie auprès de qui auparavant ils exportaient leurs produits. Lors de l'entrée de la Grèce dans l'Europe, l'agriculture grecque était à 70% exportatrice mais en dehors de l'Europe. Les contraintes européennes ont fait que cette agriculture n'a pas gagnée de débouchés en Europe, a été remodelée par la politique agricole commune et n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était devenant de plus en plus autosuffisante.

L'élevage, qui lui aussi exporte peu et alimente la Grèce, va se faire décimer par la viande excédentaire du Canada qui va débarquer à prix cassé sur le marché grec. Aberration à tous les niveaux !

Il y a une production locale, la viande canadienne va faire des milliers de km congelée et chargée de conservateurs pour terminer dans les assiettes grecques. Elle proviendra de fermes industrielles avec une nourriture artificielle pour les animaux qui seront gavés d'antibiotiques et qui vivront dans des endroits clos et aseptisés pour ne pas attraper de maladie. Éventuellement elle sera aseptisée avec de la javel.

La ruine du pays se prépare pendant que le Roquefort français se vendra au Canada (quelle grande victoire!). Une balance bien équilibrée dans cet accord !

 

Tsipras lui même est, un peu à la Fillon, contesté sur l'usage de l'avion ministériel qu'il utiliserait à titre personnel, non pas pour aller voir un match à l'étranger comme certains mais autrement. De retour du Portugal, aurait-il fait une halte à Paris et ses enfants une à Disney Land alors qu'officiellement il négociait ?

Les grecs à qui on serre la ceinture et qui se privent de sortie sont très sensibles sur ces questions de probité. Ils sont aussi sensibles au problème du Grexit que remettent sur la table les perspectives politiques allemandes. En effet, les élections allemandes approchant (septembre 2017) certains comme Schäuble, aimeraient bien ne pas avoir le poids de la Grèce comme une épine dans le pied pendant la période électorale. Celle-ci terminée, ils n'auront sûrement plus rien à foutre de la Grèce.

En attendant l'idée de la sortie de l'Euro ressurgit. Bien entendu cette idée augmente au fur et à mesure que les exigences de la Zone Euro se durcissent mais ne vous leurrez pas elle est loin d'être majoritaire. Le fait que le sujet préoccupe des gens connus comme Kóstas Lapavítsas, Panagiótis Lafazánis ou Zoé Konstantopoúlou n'a rien d'étonnant. La Grèce est au bord de la faillite et son gouvernement va quémander un quatrième mémorandum avec des mesures encore plus draconiennes que draconiennes. Mais faut bien voir que ces gens, bien placés pour avoir conscience de ce qu'ils avancent,  ne sont politiquement rien en Grèce, ils relèvent déjà du passé et n'ont probablement plus d'avenir politique. Il y a une haine générale envers tout ce qui a rapport à la gauche radicale. L'état d'esprit général est : plus jamais elle !

 

Les grecs dans leur majorité ont très peur d'une telle issue et il faut les comprendre, ce serait une option catastrophique pour eux.

Nous devons bien comprendre et surtout ceux qui sont partisans d'une sortie de la France de l'Europe, que ce ne serait pour nous pas la même chose que pour les grecs et que nous le vivrions bien mieux dans dans notre quotidien qu'eux.

La parité de la Drachme (GRD) et de l'Euro était lors de la mise en place de la monnaie unique de 340,75 GRD pour 1 Euro. Pour simplification nous arrondirons à 340GRD/1€. Nous allons faire un moment comme si la Drachme existait encore.

L'Euro a généré jusqu'à maintenant une inflation officielle de 23%. Il faudrait maintenant 418GRD pour 1€.

Il est estimé par des gens sérieux que la sortie de l'Euro donnerait une parité supérieure à 1000 GRD pour 1€.

Sachant que durant les 6 années dites de crise les grecs ont perdu la moitié de leurs revenus, tout se passe comme si par rapport à la Drachme de 2017 (si elle existait encore), il faudrait 2000 GRD pour 1€. Cette parité étant établie, ces mêmes gens sérieux estiment qu'il s'en suivrait une dévaluation de 40% ce qui ramène la parité concrète à 2800 GRD pour 1€ soit par rapport aux 418 GRD de départ, ça représente une dévaluation du pouvoir d’achat de 670%.

Dans la Grèce qui n'a pas d'industrie et ne produit quasiment rien, il faut importer 80% des produit de consommation courante.

Cela revient à dire que le grec qui gagnera 100 GRD devra pour acheter ce qui valait 100 GRD aux début des années 2000 devra donner 67000 GRD pour la même chose. Ça ressemble étrangement aux années en Allemagne qui ont suivit la première guerre mondiale et préfiguré la monté du nazisme, époque où avec une brouette remplie de billets on pouvait acheter un pain.

Le pays ruiné n'aura pas d'autre issue que de se vendre aux spéculateurs étrangers qui voudront bien profiter pour « investir » dans ce que l'Europe aura laissé.

Le scénario est tout à fait différent en qui concerne la sortie de l'Euro pour la France. La parité en cas de sortie et si l'Euro se maintient, sera supérieure à celle de la Grèce en raison du poids économique du pays et de la dévaluation que subira forcément l'Euro parce qu'une force économique et un membre fondateur sera parti. La France subira probablement ensuite une dévaluation mais qui sera bien plus faible que pour la Grèce et retrouvera une souplesse financière que l'Europe lui avait enlevé qui lui permettra de repartir par une nouvelle politique économique. Le programme de la France Insoumise le montre.

Le grec a raison d'avoir peur, le français beaucoup moins.

Je crois que ceux qui aimeraient la sortie de la France de l'Euro et devant notre incapacité à la promouvoir, devraient arrêter de rêver celle de la Grèce pour précipiter la notre. C'est aux grecs à avoir envie de quitter l'Euro et pas à nous d'en rêver à leur place.

Ne prenons pas nos désirs pour des réalités et à chacun son destin.

 



20/02/2017
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