Vie en Grèce

Vie en Grèce

29/01/2015 : Polémique autour de l'alliance contre nature.

La polémique sur l'alliance de Tsipras avec Kaménos d'ANEL enfle.

Daniel Cohn Bendit dans un interview au journal Libération fustige cet accord. Deux choses le hérissent violemment :

D'abord que Kaménos soit un eurosceptique violent le dérange, lui qui est un européen convaincu et, je ne le rappellerai jamais assez, Dany nous a traité de « fascistes » lorsque que nous avions voté Non à la constitution européenne.

Par contre, je reconnais l'intelligence de Dany et prend sa réaction comme une réaction viscérale de rage. Mais pour un vieux routier de la politique il faut savoir se contenir.

En ce qui concerne Kaménos, il le traite de « xénophobe, homophobe, antisémite et raciste ». Il ajoute que c'est escroc (sans utiliser le terme) qui a eu des ennuis avec la justice et le fisc (dissimulation de biens) comme de nombreux politiciens précédents.

Il rajoute que Kaménos aux armées, c'est inquiétant. C'est un lieu propice aux magouilles (et dans le passé il y en a eu) avec les contrats faramineux en jeu pour l'achat d'armements et que l'on serait loin de l'assainissement voulu par Tsipras.

J'en profite pour faire remarquer que le nouveau gouvernement pourrait peut-être faire examiner par la justice les enrichissements personnels des différents élus précédents pendant la période d'austérité.

Je dois rappeler, et il faut que nous le gardions en mémoire, que la majorité des grecs ont travaillé pendants les hivers des années de crise, habillés avec des anoraks dans des bureaux non chauffés et rentraient chez dans des appartements non chauffés. Pendant ce temps leurs politiques, la troïka, bien au chaud, leur disaient que c'était pour leur bien.

Des voix s'élèvent encore aujourd'hui pour leur dire qu'il faut honorer les engagements du gouvernement précédent et persévérer dans l'austérité. Ces mêmes individus ne résisteraient pas une journée à ce que le grec moyen a vécu des jours et des jours …

Je dois rappeler que des enfants n'avaient pas à manger à l'école, que des hôpitaux n'étaient plus en mesure de fournir de simples pansements, que les malades du cancer doivent payer de leur poche leurs chimios, etc …

Parenthèse terminée et je reviens au propos précédent.

Pour le parti de gauche, cette union n'est pas un problème. Heureusement pour lui ! Vaut mieux éviter de se poser les questions qui dérangent. Mais en même temps et contradictoirement Alexis Corbière (PG) déclare : « si je ne suis pas d’accord avec un parti, je ne m’allie pas avec lui ». Un peu contradictoire !

Par contre, commentant le nouveau gouvernement Nikos Smymaios de l'Université de Toulouse, ( http://www.okeanews.fr/) est moins agressif envers Kaménos et relativise la portée de l'évènement ainsi :

«  C’est une formation conservatrice sur le plan sociétal, proche de l’Eglise orthodoxe et patriote à la limite du nationalisme. Elle ressemble donc à un parti de droite chrétienne comme il en existe beaucoup en Europe.
Le discours de son chef Panos Kammenos a parfois des relents complotistes. Mais il n’est en aucune façon un raciste xénophobe avéré, comme l'étaient à coup sûr de nombreux membres du précédent gouvernement. En effet, Il n’a jamais flirté avec l’Aube dorée, comme ont pu le faire régulièrement des collaborateurs proches d'Antonis Samaras.
Concernant la question de l’immigration, le programme officiel des Grecs indépendants adopte certes un discours de « fermeté » mais qui est essentiellement du verbalisme. Dans le fond il ne demande que la reforme des accords européens (Dublin II et III) qui piègent des milliers de demandeurs d’asile dans le premier pays d’entrée à l’Union, en l’occurrence la Grèce.
.....
Au niveau économique le parti souverainiste de Kammenos a tenu bon sur sa ligne anti-austeritaire et pro-sociale depuis 2012 malgré les pressions incessantes incluant des tentatives de corruption de ses députes. Etant donné le fait que la relance de l’économie et la négociation de la dette sera la priorité du gouvernement il s’agit donc d’un choix pragmatique et cohérent de la part de Tsipras.
La participation de Kammenos au gouvernement en tant que ministre de la Défense compliquera un certain nombre de réformes importantes comme la séparation de l’Eglise et de l’Etat ou le mariage gay pour lequel Syriza est favorable. Mais elle permet à Tsipras de montrer qu’il a su composer un gouvernement d’union qui déborde largement le périmètre de son propre parti et de disposer au sein du gouvernement d’un interlocuteur crédible aux yeux des militaires. »

Et de terminer par :

« En conclusion, il s’agit d’un gouvernement divers et ouvert, dans lequel sont représentées trois formations politiques au-delà de Syriza (les Verts, la Gauche démocratique et les Grecs indépendants). Un gouvernement qui se veut rassurant pour les marchés et les créanciers, mais qui ménage également l’aile gauche de Syriza et récompense des personnes engagées depuis longtemps en faveur des droits sociaux. Les femmes y sont relativement nombreuses (par rapport aux usages en Grèce) et à des postes clés. Les universitaires en constituent la colonne vertébrale. »

Je ne suis personnellement pas tout à fait en phase avec le propos de Nikos. C'est un premier point mais c'est au lecteur de juger, je me contente d'informer. Deuxième point, je voudrais faire remarquer que si mon texte donne plus de volume au texte de Nikos Smymaios par rapport à celui de Dany, ce n'est pas par parti pris, c'est tout simplement parce que je n'ai pas l'autorisation de Libération de reproduire l'article (je ne l'ai pas sollicité) alors qu'OkéaNews demande simplement de citer la source.

 

Moi j'ai eu à ce niveau une explication qui vaut ce qu'elle vaut. Potami est viscéralement pro-européen tandis que ANEL est viscéralement eurosceptique.

Comme les premières rencontres vont avoir lieu bientôt avec les représentants de l'Europe, ces derniers auront un bloc soudé en face d'eux et comme ils sont de fins limiers, il ne pourront pas tenter de créer une brèche dans le gouvernement.

Une autre interprétation réside dans la composition de Syriza. La presse en tout genre a expliqué la genèse de Syriza. Coalition de petits groupuscules gauchistes essentiellement, oppositionnels à tout, très fortement anti-européens, elle a été en 2012 projeté deuxième parti de Grèce par deux fois à la plus grande surprise générale y compris celle de ses dirigeants.

Tsipras à ce moment-là a voulu transformer ce groupuscule en grand parti de gouvernement, ouvrant ses portes à tous les volontaires, voire opportunistes.

Il a tenté cette opération en moins de deux ans. Est-elle réussie ? C'est encore à voir.

Dans la même foulée, il a fallu faire taire ou convaincre les partisans (majoritaires semble-t-il) du retour à la Drhagme. On évalue cette tendance actuellement réduite, à 30% du parti. Un certain nombre de députés de Syriza sont pour la sortie de l'Euro mais ils ne sont plus la majorité.

Si demain Tsipras était amené à envisager la sortie de l'Euro, il aurait plus que jamais besoin de ses « amis » d'ANEL et Kaménos en tête. N'oublions pas que Tsipras est un bon « homme d'appareil » dans lequel il navigue depuis près de 15 ans en ayant éliminé son prédécesseur Alékos Alavanos. C'est un fin limier et un bon stratège.

Je rajouterai qu'il ne faut pas raisonner suivant les schémas français. Ce qui est impossible en France ne l'est pas forcément ici. Ne serais-ce déjà que l'existence de Syriza. Qui pourrait concevoir dans une même organisation des anarchistes des maoïstes, des trotskystes, des marxistes, des sociaux-démocrates, des libéraux ? Pas le Front de Gauche qui a bien du mal pour les prochaines cantonales.

J'indiquerais qu'en 1980, la droite de la Nouvelle Démocratie avait fait alliance avec les communistes. Le PCF avec la droite en 80 !

 

Bien des choses nous échappent dans un pays très religieux pro orthodoxe et pro slave ! Ça peut peut-être expliquer la position de la Grèce en ce qui concerne les sanctions contre la Russie. N'oublions pas qu'en plus de cette complicité naturelle (la Russie a été un des tuteurs de la Grèce naissance au XIXème siècle), la Russie comme la Chine d'ailleurs peuvent être des investisseurs vers lesquels se tourner en cas de rupture avec l'Europe.

 

En ce qui concernent les Européens, les opinions divergent. Pour certains l'échec des politiques d'austérité ne font aucun doute. Pour d'autres, en réintégrant les « virés » de la fonction publique, en mettant fin aux privatisations, en remettant en cause la cession des ports dont celui du Pirée (opération menée par un dénommé Kaménos en 2008, ministre du gouvernement Caramanlis), Syriza a déclaré la guerre à l'union européenne.

Des solidarités politiques se font jour avec la Grèce, Van Roupo, ancien premier ministre belge socialiste (entre autre) et d'autres aimeraient ou craignent que Hollande en profite pour faire naître une ligne différente ouverte vers la croissance et non l'austérité.

La voie unique de Merkel n'est plus aussi audible.

Quand l'Europe a pris des décisions qui allaient dans le sens de Merkel, ça n'a pas toujours été par des décisions imposées par cette dernière mais le produit de négociations en sous-mains avec obtention de concessions. Ce front qui apparaissait au grand jour comme soudé est bien lézardé.

Hollande peut-il saisir sa chance de se rattraper ?

 

Encore une chose à surtout ne pas oublier : les néo-nazis sont le troisième parti en Grèce !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 



 

 

 

 

 



29/01/2015
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