Vie en Grèce

Vie en Grèce

11/02/2018 : Ça sent l’égout !

Suite à la manifestation d’Athènes où participait Théodorakis, une tonne d’injures et d’assimilations malsaines ont été déversées. L’icône intouchable, pour la première fois en a été la cible. Il a focalisé toute la haine de certains politiciens.

 

Il est vrai qu’il n’y avait pas été de main morte dans son discours mais au niveau insultes, il n’a fait que reprendre celles qui avaient auparavant été déversées sur les manifestants de Thessalonique et ceux à venir d’Athènes.

Il les avaient résumé dans son introduction : fascistes, racistes, terroristes, anarchistes, voyous ...

 

Elles émanaient essentiellement du gouvernement actuel. Et Théodorakis ne l’a pas épargné en le traitant de « pire fasciste déguisé en gauche ». C’est son seul crime et dès lundi 5, il s’en est expliqué dans la presse. Il a indiqué qu’il était un communiste internationaliste et patriote et qu’il combattu en permanence toutes formes de fascismes y compris celle sous sa nouvelle forme gauchiste.

Syriza a retourné le slogan des manifestants « Mikis tu change le cours e l’histoire » en « Mikis tu change le cours de ton histoire ». Tu es maintenant avec Aube Dorée.

On lui a reproché aussi son (bref) passage comme ministre dans le gouvernement de droite de Mitsotakis, le père de celui qui risque de devenir premier ministre après les élections de l’an prochain comme preuve de sa permanente droitisation ainsi que sa participation aux jeunesses du dictateur Métaxa. Être jeune sous une dictature !

Là aussi il faut comprendre que des choses incompatibles (voir le cas Kouchner) en France peuvent ici l’être. Mais qui songerait à reprocher la participation des communistes au premier gouvernement De Gaule.

 

Le problème n’est pas que ce que Théodorakis a dit soit vrai ou faux ni même ce qu’il est politiquement , c’est qu’il a dit. Et ce qu’il a dit, c’est ce que les grecs attendaient et donc ce qu’ils croient dans leur très grande majorité.

Son discours est un résumé de la pensée collective des grecs ainsi que de la façon dont ils tiennent en estime ce gouvernement. Il faut bien voir que ce gouvernement n’est pas mal aimé des grecs mais haï . Il faut que la chose soit entendue. Si elle ne l’est pas le fossé se creuse entre pouvoir et peuple. Il est déjà profond.

Bien entendu, ça a été le laché d’une soupape de sécurité et il n’en ressortira peut-être absolument rien.

 

Je me permet de vous joindre une analyse de cette manifestation faite par Greek Crisi qui me semble très pertinente :

«  Dans les faits, il s’agit d’un très grand rassemblement populaire, dont les composantes patriotique et identitaire, dominaient essentiellement, ce fut autant et surtout une manière de défendre une certaine (et ultime ?) dignité piétinée depuis les années des mémoranda, et surtout depuis la trahison SYRIZA.

Peuple alors pathétique et plutôt de droite (comme autant celui de l’Église Orthodoxe), car la gauche ne mobilise plus comme on sait depuis 2015. Le tout, lorsque l’orateur principal du rassemblement était Míkis Theodorakis, mondialement connu pour ses engagements (non exhaustifs) à gauche, ancien élu communiste... mais également sporadique élu du parti de la Nouvelle Démocratie (droite), et même ministre (certes un peu cosmétique) au gouvernement de Konstantinos Mitsotakis (Nouvelle Démocratie) dans les années 1990. Ceci n’explique certainement pas cela, sauf que ces autres engagements de l’homme politique (plus que du compositeur) méritent le rappel des faits.

La société grecque étant acculée, par conséquent, elle ne raisonnera (et résonnera) désormais qu’en termes identitaires, les enquêtes et autres sondages d’opinion démontrent que pour plus de 70% des personnes interrogées, “les organisateurs du rassemblement ont raison dans leurs positions soutenues”, et par ailleurs, les institutions auxquelles les Grecs font davantage confiance sont d’abord l’Armée et en ensuite l’Église, tandis que les partis, les syndicats, l’Assemblée nationale, les élus, arrivent très loin derrière.

D’après les reportages du moment (radio 90.1 FM du 6 février 2018 entre autres), la présence masculine dimanche dernier à Athènes, frôlait les deux tiers des participants, tandis que la même proportion lors du mouvement dit des Places et/ou des Indignés de 2011, avait été différente et plus équilibrée: une présence à 55% masculine et à 45% féminine. De même, le public plus proche de l’âge mûr (voire très mûr) dimanche dernier avait été majoritaire, voilà pour certaines données déjà mesurables.

Voilà donc pour la sociologie et ainsi démographie de ce 4 février 2018 à Athènes. Masculinité, militaires actifs et à la retraite très visiblement représentés, élus de la Nouvelle Démocratie également (pourtant par ailleurs mémorandistes), puis, des orateurs aux propos forts, tel le constitutionnaliste Yórgos Kasimatis pour qui: “Il y a une décision politique qui consiste à offrir notre identité à des étrangers. Ce nom (Macédoine) après la deuxième guerre mondiale, avait été offert tel une friandise au peuple de Skopje par Tito, ceci, pour que la Yougoslavie puisse un jour... revendiquer en son sein l’ensemble de la Macédoine (géographique). Aujourd'hui, toute la Grèce se retrouve présente ici pour ce rassemblement. Même ceux qui ne peuvent pas agir en notre sens, ils sont pourtant d'accord avec nous. C'est enfin aujourd'hui la première fois que l'article 120 de notre Constitution enfin s'applique-t-il.”

Article 120 de la Constitution grecque : “Le respect de la Constitution et des lois qui y sont conformes, ainsi que le dévouement à la patrie et à la République constituent un devoir fondamental de tous les Hellènes. L'usurpation, de quelque manière que ce soit, de la souveraineté populaire et des pouvoirs qui en découlent est poursuivie dès le rétablissement du pouvoir légitime, à partir duquel commence à courir la prescription de ce crime. L'observation de la Constitution est confiée au patriotisme des Hellènes, qui ont le droit et le devoir de résister par tous les moyens à quiconque entreprendrait son abolition par la violence.”, (note de ‘Greek Crisis’).

 

C’est notre réponse du ‘NON’, lorsqu’en face, nous avons des gouvernements qui disent ‘OUI’ à l'esclavage et cela dure depuis 2010. Aujourd'hui, le peuple grec prend le contrôle de sa souveraineté. La Grèce est ici présente et entière pour ne pas céder la moindre terre grecque aux étrangers. Car l’ensemble du pays est en ce moment sous le point d’être vendu, cédée. (Si l’on accepte la réalité de la Macédoine géographique pour les voisins Slaves) alors la Turquie devrait s'appeler l’Ionie et la Sicile la Grande Grèce. Et il n’y a pas un seul spécialiste des relations internationales pour nous apporter le moindre exemple d’un pays dont le nom n’a aucun rapport avec l'histoire de son peuple. Aujourd'hui, les Européens sont alors devenus aveugles.”

Les noms mixtes concoctés de la sorte, abolissent la vieille Macédoine, abolissent l'identité de la Grèce. Donc, nous nous opposons au moindre usage mot Macédoine de quelque façon que ce soit par le pays voisin. Qui ne voit-il pas enfin la boulimie expansive des grandes puissances qui exigent alors la contraction de la Grèce ?” (Kasimatis, le 4 février 2018 à Athènes) .

La veille du rassemblement, un slogan revendiqué comme anarchiste, avait été apposé sur une façade de la maison de Míkis Theodorakis: “Ton histoire commence à la montagne des résistants (de gauche en 1941-1944), pour finir dans la gadoue nationale de la Place de la Constitution.” “J'ai toujours combattu toute forme de fascisme, et en ce moment, le fascisme le plus dangereux est gauchisant car venu des Syriziste”, a-t-il répondu Theodorakis depuis la Place de la Constitution le lendemain. Non sans une certaine... moquerie, le député (néonazi) de l’Aube Dorée Ilías Kassidiáris a ainsi twitté: “Míkis (Theodorakis) a débuté (sa vie politique) au sein de l’EON, organisation de la jeunesse du régime du Général Metaxás (1936-1941), pour ainsi la boucler ici même sur la Place de la Constitution, aux côtés des patriotes et des nationalistes. Toutes ses autres positions politiques intermédiaires peuvent être effacées”, “Quotidien des Rédacteurs” du 4 février 2018 .

L’Aube Dorée croit sans doute reboire du petit lait (comme... du petit peuple), sauf que c’est très probablement d’un lait alors caillé qu’il s’agit. Un grand vide politique identitaire serait pourtant en gestation en vue d’accoucher (ou pas) à... une nouvelle souris (de droite cette fois-ci), à la manière de la souris SYRIZA à gauche... au résultat ainsi acquis on dirait.

Cela dit, ce regain populaire (visiblement) organisé (et/ou récupéré) n’est pas tout à fait spontané, telle est mon intuition disons ethnographique d’après mon vécu de tant d’années (déjà) mémorandaires, métapolitiques et para-démocratiques. C’est tout de même curieux qu’aucun grand rassemblement n’ait pu s’organiser, si ce n’est que pour alerter de la gestation géopolitique teratomorphique pour ce qui est de Chypre par exemple, et cela depuis plus d’un an, comme les lecteurs assidus de ce blog peuvent peut-être se souvenir car j’avais évoqué cette question en janvier 2017.

Je ne possède pas... (toutes !) les qualités de l’oracle de Delphes, sauf que je respire suffisamment l’air du temps (mauvais), pour savoir que très probablement le vide politique laissé depuis la trahison SYRIZA, un vide souverainiste existe bel et bien, de droite (si l’on se base sur la classification du siècle qui est déjà bien derrière nous), et que ce vide ne peut pas ne pas être en quelque sorte “travaillé” par les tenants du vrai pouvoir. Ce qui n’exclurait pas un certain et potentiel “accident” dans l’événementialité supposée acquise... tout comme requise, comme parfois lorsque les peuples montent sur le devant de la scène... pour aussitôt s’éclipser (ou se faire trahir par la suite).

En tout état de cause, ce qui est ressenti à travers les convulsions de la société grecque, c’est comme une forme de “culture de guerre” à visage à peine couvert. La notion (toute proportion gardée pour ce qui est du cas grec) appartient aux historiens de la Grande Guerre, dont Stéphane Audoin-Rouzeau (il était mon directeur de Thèse en Histoire), s’agissant d’un ensemble de représentations, de pratiques, d’attitudes, de productions littéraires et artistiques qui a servi de cadre à l’investissement des populations européennes dans un conflit.

 

Cette culture de guerre larvée, elle est d’abord et principalement tournée vers l’intérieur (face au personnel politique, face à d’autres catégories de la population). Ensuite, exprimée vers l’extérieur par la primauté entre autres d’un discours identitaire, surtout défensif devant l’occupation troïkanne que la Grèce connait depuis 2010 (accentuée depuis SYRIZA/ANEL), devant aussi ce qui est considéré comme de l’usurpation de l’identité et de la culture helléniques (par les voisins de la Macédoine slave), et autant face à une menace explicitement formulée de la part de la Turquie sous le régime Erdogan. Situation en somme déjà assez complexe et potentiellement explosive, comme également l’admet l’éditorialiste de “Kathimeriní” du 6 février 2018 (pourtant grand quotidien systémique), évoquant “un courant puissant et incontrôlable.”

Tout le monde admettra (lorsqu’on discute sérieusement) que la Grèce aura tout intérêt à que l’État voisin de la Macédoine slave puisse se maintenir, tiraillé comme il est, entre la Bulgarie et l’Albanie, sauf qu’en plus (ou que d’emblée), la programmation actuelle géopolitique OTANesque dans les Balkans, prime sur tout le reste et que cette... programmation, ne serait pas forcément compatible avec les intérêts des peuples, ni (toujours) avec la coexistence, espérons-le pacifique entre eux.

 Le grand rassemblement du 4 février à Athènes a enfin déjà, et autant matérialisé cette énorme rupture entre une large partie de la population (deux tiers je dirais) et le système politique, pour ne pas dire le régime politique tout simplement. C’est également une manière que de signifier de manière comptable et palpable dans la rue, toute l’étendue du divorce ainsi forcé (et non pas à l’amiable) prononcé en 2015, entre le peuple grec et la Gauche, l’ensemble de la Gauche d’ailleurs, et non pas seulement SYRIZA. Je l’avais souligné tôt, dès juillet/août 2015, et c’est ainsi.

En l’état actuel des choses, à travers la presse et les espaces Internet des partis et mouvements de gauche en Grèce, le grand rassemblement du 4 février est tout de même synonyme de choc. Et toute une campagne de dénigrement réunissant les Syrizistes et les autres formations de la gauche en Grèce, tirent à... boulets rouges sur Míkis Theodorakis, lequel n’est pas non plus certes un intouchable, loin de là.

Cependant, mon ami Dimitris Belandís, ancien au Comité Central SYRIZA jusqu’à l’été 2015, remet un peu de sens dans ce débat par un texte qu’il publie sur sa page Facebook , estimant “qu’il ne faut pas perdre de vue, que derrière la déconstruction si agressive de la figure de Theodorakis, c’est en réalité l’ultime déconstruction des symboles et des luttes des années 1940 à nos jours, en passant alors sous silence, l’incontestable et bien réelle crise existentielle de la gauche”. »

 

Dès le lendemain de la manifestation, le cafouillage gouvernemental a commencé. Ça a été la diffusion d’une vidéo de la police non datée montrant qu’il y avait peu de monde dans les rues adjacentes alors qu’elles étaient pleines à craquer contre toute évidence (les caméras de TV étaient braquées sur la manifestation). Il s’en est suivi une polémique sur le nombre de manifestants, 140 000 officiellement, 700 000 selon les organisateurs. En France nous connaissons bien ce genre de comptage contradictoire.

 

Et brusquement une nouvelle affaire chargée, semble-t-il, de détourner l’attention sur cette manifestation et tous ses enchaînements a été lâchée en pâture auprès des médias friands de sensationnel.

Il s’agit de l’affaire Novartis, qui par le plus grand des hasards a été mis en justice le jour de la manifestation par le gouvernement semblant violer ainsi l’indépendance de la justice. Il sera en fait traité par le parlement.

Ce laboratoire pharmaceutique aurait soudoyé deux anciens premier ministres et d’autres ministres, dix personnalités en tout, de l’opposition bien entendu (Samaras, Stournaras, Vénisélou …).

Novartis n’est pas un saint, la corruption à son profit, elle connaît ça puisqu’elle la pratique régulièrement et vient d’être reconnue coupable en Suisse de tels actes et condamnée.

Les témoins (protégés dont on ne devraient rien savoir) sont plus ou moins en partie démasqués et auraient des discours à géométrie variable.

Quelque soit leur fiabilité, les méthodes de travail de Novartis ne sont pas blanchies. Siemens avait déjà eu les mêmes pratiques en Grèce.

 

Novartis.jpeg

 

Le grec moyen en rigole, la simultanéité, voulue ou non voulue, avec le NON du 4 février donne la mesure de la bassesse de ce gouvernement hyper-haï aux abois qui est prêt à tout pour éviter la défaite aux prochaines législatives. C’est en tout cas ainsi que le grec moyen perçoit la chose.

L ‘affaire Novartis, indépendamment des faits qui lui sont reprochés risque d’être un boomerang pour le gouvernement qui l’a lancé.

 

Jeudi était le « jeudi fumet ». C’est obligatoirement un jeudi et c’est 40 jours avant la Pâques orthodoxe. Sa particularité est d’être le dernier jour avant le carême ou l’on peut manger de la viande.

Alors toute la journée, on fait des brochettes que l’on offre à tout le monde dans une ambiance festive.

 

Brochettes.jpg
 

A Thessalonique, pour la première fois, la fête a été très restreinte. L’effet de la « crise » se manifesterait-il enfin ?

 

Retour sur le problème de la Macédoine.

L’autre grande icône grecque, Manolis Glézos, vient, dans un article de presse, de prendre position sur le sujet. Le titre est « Glézos en direction des Arymiens : Otez-vous de la tête le mot Macédoine »

 

Glézos.jpeg
 

Tout en regrettant les démarches obscures des politiques en vue du règlement de la question et leur stratégies pour le pouvoir et non pour le bien public, il préconise un règlement pacifique.

 

Il est prévu une nouvelle manifestation dans la ville de Patras puis Héraclion en Crête et d’autres suivront.

L’affaire n’est pas finie !



11/02/2018
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